Christophe Pelhate, délégué syndical Groupe adjoint de la CFE-CGC Sanofi, explique que si le géant pharmaceutique investit en France, il continue de délocaliser les emplois à marche forcée.

Sanofi a annoncé qu’il allait investir 2 milliards d’euros en France dans les prochaines années. Votre réaction ?

Évidemment, il faut se réjouir de ces investissements qui vont permettre de moderniser certaines usines. Mais est-ce synonyme de plus d’emplois en France ? Paradoxalement non. Sanofi a annoncé 550 créations d’emploi dont 150 sur le site de production du Trait en Normandie. Ceux-ci relèvent d’ailleurs davantage du maintien de l’emploi car les anciens équipements du site vont être arrêtés et le personnel repris est compté dans ces 150 « créations ». La communication de l’entreprise est ambiguë. Et cela parait bien faible quand on met en parallèle ces 2 milliards d’euros d’investissements avec la création d’une usine à Vitry-sur Seine (Val-de-Marne).

Quelles sont les perspectives d’emploi dans les centres de recherche ?

Avec un plan social pour licencier 330 salariés et une annonce, à quelques semaines d’intervalle, d’embauche de 350 personnes, le constat est morose. Sanofi a fait le choix d’investir dans des usines en France mais elle sacrifie sa recherche interne et elle délocalise toutes ses fonctions supports vers des hubs à l’étranger. La France n'est pas le seul pays qui va payer très cher cette stratégie. Beaucoup de pays d’Europe (Italie, Allemagne, Espagne, Belgique…) vont également en faire les frais. Des processus sociaux sont lancés dans plusieurs d’entre eux.

"Sanofi fait le choix d’investir dans des usines en France mais sacrifie sa recherche interne et délocalise toutes ses fonctions supports vers des hubs à l’étranger"

De quelles délocalisations parlez-vous ?

Toutes les Fonctions Supports sont concernées par le transfert de leurs activités dans des pays où le coût du travail est moins cher et où les autorités ne sont pas trop regardantes sur le social. À titre d’exemple, les effectifs du hub d’Hyderabad (Inde) sont d’environ 650 personnes et de 900 personnes à Budapest (Hongrie) : cela représente autant de postes qui ont été supprimés ou vidés de leur substance en France mais aussi dans nombre de pays européens. Et ce n'est qu’un début. Les réunions de présentation des orientations stratégiques nous ont appris que nous risquions de perdre 450 à 1 000 postes en France à l’horizon 2026. Ces postes ne sont pas perdus pour tout le monde puisqu’il y a plus de 200 postes ouverts au recrutement en Inde et en Hongrie.

Quel est le calcul de l’entreprise quand elle délocalise ?

Il est essentiellement financier. En Hongrie, le cout de la main d’œuvre est 70 % moins cher qu’en France selon une étude de l’Insee. Dans la plupart des directions Fonctions Supports, si un recrutement est accepté, il doit se faire obligatoirement en Hongrie ou en Inde. Deux pays qui sont loin d’être exemplaires en matière de respect des droits de l’homme. La Hongrie a été pointée du doigt pour ses positions sur la communauté LGBT+ et plus généralement sur le respect des valeurs européennes. Quant à l’Inde, ce pays se classe 135e sur 146 pour l’index égalité hommes-femmes, sans oublier que le droit du travail y est très loin des normes européennes avec notamment des semaines de 48 heures de travail et un salaire 75 % moins élevé qu’en France.

"La présence de la CFE-CGC n’a jamais été aussi utile et nécessaire pour défendre les droits et la santé des salariés"

Hormis les suppressions d’emplois directs, quelles sont les conséquences sur le management ?

En plus d’être mis en concurrence avec des pays qui n’ont pas les mêmes valeurs éthiques ni les mêmes normes, les salariés européens vivent dans une insécurité permanente crée par la direction : une année ils peuvent occuper un métier sensible, l’année suivante la direction peut juger que ce métier est redevenu stable ou en tension et ce, sans aucune justification. La majorité des plus de 55 ans attendent avec impatience d’être éligibles à un départ en congé de fin de carrière (CFC). Pour les autres, une partie arrive à tirer son épingle du jeu, mais les plus fragiles ou les moins chanceux se demandent combien de temps ils vont pouvoir tenir sans tomber malades.

Comment intervient la gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) dans ce contexte ?

Il est prévu plus de 400 mobilités en France d’ici 2026 mais pour faire quoi et pour aller où ? La GEPP repose sur le volontariat, donc hors de question de pousser les salariés à prendre des postes dans des bassins d’emploi en Hongrie ou en Inde. Les équipes People & Culture se retrouvent face à un défi gigantesque et avec des effectifs de plus en plus réduits pour accompagner les collaborateurs. Malgré les investissements annoncés, nos emplois n’ont jamais été autant menacés en France et la présence de la CFE-CGC n’a jamais été aussi utile et nécessaire pour défendre les droits et la santé des salariés. Nous sommes engagés tous les jours sur le terrain pour défendre les intérêts de tous les salariés en France. 

Source : Confédération CFE-CGC

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