Madeleine Gilbert, secrétaire nationale à la Transition vers un monde durable de la CFE-CGC, estime que la nouvelle organisation gouvernementale marque un grave recul sur l’écologie et l’énergie.
L’avis sur le projet de loi « souveraineté énergétique » sera soumis au vote des membres du Conseil national de la transition écologique (CNTE) le 19 janvier prochain. Il s’agit de la future loi de programmation énergétique mais aussi de planification écologique et climatique. Elle donnera le sens de la programmation pluriannuelle de l'énergie et elle définira la stratégie nationale bas-carbone dont les décrets sont attendus avant l'été 2024.
A la grande surprise de la CFE-CGC et de nombreuses organisations impliquées dans la transition écologique, le texte supprime notamment, à son article 1er, toute référence à des objectifs chiffrés de développement des énergies renouvelables à l’horizon 2030, à l’exception de la chaleur et du froid. Nous ne pouvons rester indifférents devant ce recul des ambitions.
RECUL DES AMBITIONS SUR LE RENOUVELABLE
Faut-il rappeler que la France doit baisser ses émissions de gaz à effet de serre de 55 % par rapport à 1990 d’ici 2030 et atteindre la neutralité carbone en 2050 ?
L’atteinte de 40 % d'énergie renouvelable dans notre « mix énergétique » d'ici 2030 (contre 20 % actuellement) est incontournable pour respecter ces objectifs. Au vu de l’ancienneté de notre réseau électrique, nous ne pourrons pas satisfaire nos besoins électriques, a fortiori d’électrification, avec notre seule énergie nucléaire actuelle. Et les nouveaux réacteurs pressurisés européens (EPR) – en dehors de celui de Flamanville – ne seront pas raccordés au réseau avant 2040-2045.
Les lacunes de ce projet de loi se doublent d’une nouvelle répartition inquiétante des responsabilités écologiques au sein du gouvernement.
Depuis 2007, conformément au Grenelle de l’environnement, écologie et énergie étaient rassemblées au sein d’un grand ministère. La lutte contre le changement climatique était placée « au premier rang des priorités » et l’action s’articulait autour de trois axes : la réduction de la consommation d’énergie, la prévention des émissions de gaz à effet de serre et la promotion des énergies renouvelables.
Depuis mai 2022, deux ministères se partageaient les administrations dans ces domaines : d’un côté, celui de la Transition écologique et de la cohésion des territoires (Christophe Béchu) ; de l’autre, celui de la Transition énergétique (Agnès Pannier-Runacher). Signe évident de cohésion, les deux étaient situés au même endroit, ce qui leur permettait de traiter les sujets environnementaux de manière transverse et de faire la synthèse entre l’ensemble des secteurs de l’économie française.
ABSENCE DE L’ENVIRONNEMENT DANS LE DISCOURS GOUVERNEMENTAL
Depuis 2022 également, la politique environnementale était supervisée par la Première ministre Elisabeth Borne, explicitement chargée de la Planification écologique et énergétique.
Avec la nomination de Gabriel Attal, le 9 janvier 2024, au poste de Premier ministre et la constitution d’un gouvernement resserré, annoncée par l’Elysée le 11 janvier, le changement de paradigme est brutal.
Le nouveau Premier ministre garde l’attribution de Planification écologique et énergétique, mais Gabriel Attal, lors de la passation de pouvoir à l'Hôtel Matignon, n’a pas fait référence à l’environnement dans son discours.
Dans la composition du nouveau gouvernement, le ministère de la Transition écologique et le secrétariat à la Planification écologique subsistent, mais le ministère de la Transition énergétique disparait et son contenu est transféré au ministère de l’Économie sous la responsabilité de Bruno Le Maire.
Aux yeux de la CFE-CGC, ce changement de cap signifie une rupture historique de ce qui a été instauré en 2007 et en 2022, et qui actait une vraie prise en compte du climat et de l’énergie au même niveau d’importance.
AFFAIBLISSEMENT DE LA CAUSE CLIMATIQUE
Cette nouvelle organisation laisse penser que l’approche gouvernementale reposera sur une conception principalement industrielle et économique des questions énergétiques, ce qui constituerait un changement politique majeur.
C’est également une entaille de plus dans le dialogue social. Depuis mai 2022, l’ouverture de six chantiers de réflexion (sobriété, efficacité, production d’électricité, innovation, bas-carbone, zones non interconnectées) autour de la planification environnementale avait permis de créer un dialogue fructueux avec les parties prenantes. Cette nouvelle organisation affaiblit la cause climatique.
La lutte contre le changement climatique oblige de prendre en compte tous les enjeux interpénétrés. L’écologie ne saurait se penser en silo. Il n’y a pas de dichotomie entre climat et énergie. Ecarteler la planification écologique et la planification énergétique entre plusieurs ministères risque d’exacerber des intérêts opposés, alors qu’une approche intégrée serait nécessaire.
Nous espérons que le discours de politique générale du Premier ministre devant le Parlement clarifiera les orientations d’un indispensable programme climat-énergie.
Madeleine Gilbert, secrétaire nationale CFE-CGC à la Transition vers un monde durable
Source : Confédération CFE-CGC