Le patron de Michelin, Florent Menegaux, a vanté dans les médias le « salaire décent » mis en place par l’entreprise. Les élus de la CFE-CGC ne s’en laissent pas conter.
Le salaire décent ? « C’est un peu l’arbre qui cache la forêt. » Les réactions de José Tarantini, délégué syndical central de la CFE-CGC Michelin, et de Valérie Dossin, DSC adjointe, sont à l’unisson. Tous deux reconnaissent « qu’on ne peut pas être contre la notion de salaire décent » évoquée par leur PDG. Mais si l’on gratte un peu, la réalité est moins rose.
Une démarche de réputation
Le « salaire décent » correspond aux standards de l’ONG Fair Wage Network dont Michelin vient d’obtenir la certification « Global Living Wage Employer » début 2024. Elle atteste que chaque salarié du Groupe perçoit une rémunération lui permettant « de subvenir aux besoins essentiels de sa famille (alimentation, logement, transport, éducation des enfants, frais de santé…) mais également de constituer une épargne de précaution et d’acquérir des biens de consommation. » Michelin courait après cette certification pour redorer son blason. Le pneumaticien se serait rendu compte que la valeur de sa marque était challengée, que les salariés jouaient moins leur rôle d’ambassadeurs en interne comme en externe et que son attractivité auprès des « talents » avait besoin d’un coup de lustre. Il a mouliné un plan de communication en ce sens dont la certification fait partie.
Confusion entre salaire et rémunération
« Quand Michelin affirme qu’aucun salaire à Clermont-Ferrand n’est en-dessous de 1,2 fois le SMIC, nous pouvons légitimement nous demander si l’entreprise ne confond pas salaire et rémunération, argumente Valérie Dossin. D’après les chiffres mentionnés, il s’agirait plutôt de rémunération que de salaire. La différence est importante car le salaire est le revenu de base alors que la rémunération intègre des éléments complémentaires et non garantis. »
Concrètement, chez Michelin, en France, le taux horaire de base le plus bas, pour un agent au coefficient 165, est de 11,74 euros brut, soit 0,7 % au-dessus du SMIC horaire (11,65 euros brut). Décent peut-être, mais probablement pas suffisant pour cocher toutes les cases de la grille de l’ONG en toutes circonstances.
Un partage de la valeur qui dépend des années
Le Groupe va distribuer cette année un montant record de plus de 1,4 milliard d'euros aux actionnaires sous forme de dividendes et de rachats d’action. Certes, les salariés profiteront aussi des bons résultats via la rémunération variable. Mais la CFE-CGC n’oublie pas qu’en 2023 le dividende avait progressé de plus de 10 % quand cette rémunération variable avait fortement reculé par rapport à l’année précédente. Elle n’avait d’ailleurs pas, l’année dernière, signé l’accord des négociations annuelles obligatoires (NAO), alors qu’elle l’a signé en 2024 après avoir obtenu 5 points d’augmentation pour les cadres.
Et les restructurations, alors ?
Enfin, dernier volet qui contrebalance le brio de l’annonce de Florent Menegaux, les restructurations industrielles. Comme le rappelle José Tarantini, « Michelin s’est engagé dans une stratégie orientée vers des produits à haute valeur ajoutée, avec comme corolaire des volumes moindres et donc des taux de charge des usines moindres. Il en résulte des restructurations industrielles en Allemagne et aux Etats-Unis. Pour la France, nous sommes inquiets sur le devenir des sites de Cholet, Joué-lès-Tours et Vannes. »
Source : Confédération CFE-CGC